Deux décisions remarquables viennent d'être rendues dans le Sud de la France : elles méritent d'être saluées :
1) Juge aux Affaires Familiales et Cour d'Appel :
Depuis l'entrée en vigueur de la Loi du 4 mars 2002, je me heurte, assez régulièrement, et je vous en ai déjà parlé, à des jurisprudences hostiles qui, se fondant sur des travaux de pédopsychiatres discutables, rejettent la résidence alternée et la voue aux gémonies.
Certes, le Juge est libre et c'est d'ailleurs son devoir de statuer, dans l'intérêt de l'enfant, en son âme et conscience.
Encore faut-il que sa réflexion, sur ce point, apparaisse nettement et son refus ne peut pas être uniquement fondé sur l'opinion de tel ou tel psychiatre ou psychologue.
Pourtant, bon nombre de décisions nous ont renvoyé à nos chères études sans autre motivation.
La Présidente de la Chambre de la Famille du Tribunal de Grande Instance de PERPIGNAN avait amorcé, il y a quelque temps, une jurisprudence intéressante sur ce point.
Elle devait, dans une ordonnance, clairement indiquer que si certains pédopsychiatres, dont le Professeur BERGER, étaient fondés à se prononcer contre la résidence alternée, d'autres, tout aussi éminent, la reconnaissaient comme une alternative crédible.
Cependant, autant de Juge aux Affaires Familiales, autant de jurisprudences.
Dans l'affaire soumise récemment à la censure de la Cour d'Appel, le père, très occupé sur le plan professionnel mais aussi très présent dans la vie de ses trois enfants, avait demandé la mise en place d'une résidence alternée.
Ce faisant, il marquait le profond respect qu'il avait à l'égard de la place importante que la mère devait avoir dans la vie de ses enfants.
Il nous avait préparé un dossier comme rarement il m'a été donné d'en présenter à un Tribunal.
Il s'agissait d'un véritable livre broché, démarrant par une lettre de motivation et comportant toute l'organisation qu'il comptait mettre en place pour s'occuper alternativement de ses enfants.
Son dossier n'a pas paru suffisamment pertinent au Premier Juge qui, non seulement l'a débouté de sa demande, mais a, en plus, scindé son droit de visite et d'hébergement sur ses enfants en deux.
Pour l'aîné, âgé de six ans, son droit démarrait le vendredi soir jusqu'au dimanche alors que pour les jumeaux, âgés de quatre ans, le week-end ne démarrait que le samedi à 14 heures...
Quant à la résidence alternée, elle était balayée au motif que "la majorité des pédopsychiatres en France la considérait comme néfaste pour des enfants de cet âge".
Nous avons, naturellement, relevé appel de cette décision que j'avais réellement vécu comme une profonde injustice.
Il est des justiciables qui attirent spontanément la sympathie.
Ni trop invasif, ni trop revendicatif, ils savent vous faire comprendre qu'ils ont toute confiance en vous et remettent finalement leur vie entre vos mains sans autre forme de procès.
Ce sont ces clients là qui sont les plus difficiles à défendre.
Mon émotion était d'autant plus grande lorsque, fin décembre, je me présentais devant la Cour d'Appel pour plaider cette affaire.
Je dois à la vérité de préciser que mon adversaire avait fait preuve d'une extrême courtoisie.
Certains s'emballent, d'autres semblent porter un étendard, rares sont ce qui restent posé.
Dans cette affaire, aucun débordement mais la relation posée d'une détresse à laquelle s'oppose une mère déterminée qui se fourvoie, en toute bonne foi : c'est l'hypothèse la plus dangereuse.
L'arrêt a été rendu début janvier.
Huit pages pour réformer la décision de première instance et un attendu qui fera jurisprudence :
"La Cour n'entrera pas dans une quelconque discussion de nature théorique relative aux conséquences positives et/ou négatives du système de la résidence alternée car elle doit se borner à constater que ce dernier est inscrit dans la Loi en des termes qui laissent penser que le Législateur a entendu qu'il puisse être généralisé et qui ne comportent pas de conditions exclusives"
2) Le Juge des Enfants :
Particulièrement courageuse est l'ordonnance qui vient d'être rendue par un Juge des Enfants du Sud de la France.
Résumé de l'affaire :
En procédure depuis la naissance de l'enfant âgé de huit ans, le père a subi tout ce qu'il est possible de subir : départ de la mère à des centaines de kilomètres, plainte avec mise en examen pour abus sexuel puis viol, enlèvement de l'enfant pendant plus de un mois, etc.
A l'issue d'un premier non-lieu définitif, deux Cours d'Appel vont confier la résidence de l'enfant au père considérant que la mère n'offre pas toutes garanties (c'est un euphémisme) pour élever l'enfant dans un climat de sérénité.
Elle perdra même le droit de l'approcher autrement que dans un point rencontre.
Mais, après plus de vingt décisions qui lui sont contraires et dix-sept avocats qui se sont épuisés à la défendre, elle ne renonce pas.
Elle dépose à nouveau une plainte criminelle pour viol dans laquelle le père ne sera pas mis en examen.
Toute la procédure se déroulera sans qu'il ne sache précisément ce qui se passe puisqu'il n'est même pas entendu comme témoin assisté.
En octobre dernier, le Juge d'Instruction rend une ordonnance de non-lieu que la mère frappe immédiatement d'appel.
La Cour d'Appel confirme le non-lieu qui est dont, à ce jour, devenu définitif.
Cela marque cependant un acharnement procédural extraordinaire.
Pendant la même période, elle ressaisit un Juge aux Affaires Familiales pour lui demander un droit de visite et d'hébergement classique.
Je dépose un énorme dossier, ce qui me sera d'ailleurs reproché, pour démontrer que la mère demeure dangereuse et qu'elle n'a pas dépassé ses obsessions sordides.
Le Juge aux Affaires Familiales, dans un premier temps, ordonne des visites dans un point rencontre et désigne un psychologue.
Dans sa décision, il précise qu'il faut faire table rase du passé et démarrer une nouvelle relation...
Sur le principe, rien à dire si ce n'est que, au même moment, la mère avait relevé appel de la décision de non-lieu du Juge d'Instruction.
Cela voulait dire que, elle-même, n'avait pas dépassé ses problèmes.
L'expertise conclut de façon très laconique précisant que la mère n'est pas dangereuse...même si elle présente une forme de déséquilibre et conseille la mise en Ïuvre d'un droit de visite et d'hébergement.
Aussitôt dit, aussitôt fait.
La mère retrouve, dans une ordonnance récente, la quasi plénitude de ses droits sans aucune précaution particulière si ce n'est une progressivité du droit de visite sur son fils.
Pour information, il faut savoir que cette mère normale est tout de même obsédée par l'idée que le père introduit dans l'anus de son fils toutes sortes d'objets puisqu'elle lui a fait subir, au cours de la première procédure, deux touchés rectaux et une anuscopie sous anesthésie générale.
Le père a, naturellement, relevé appel de ces décisions sans que cette voie de recours ne règle le problème de la sécurité immédiate de l'enfant.
L'appel, vous le savez, n'est pas suspensif dans cette matière.
Je saisit donc à nouveau le Juge des Enfants qui avait, tout naturellement, suivi, à un moment donné, le dossier et qui, pensant l'enfant protégé, avait rendu une ordonnance de non-lieu à assistance éducative.
J'explique que, à mon sens, cette décision, que je respecte en tant que telle, n'a pas tenu compte de l'intérêt de l'enfant et n'a pas assuré sa sécurité.
Le Juge des Enfants rend une ordonnance ainsi libellée :
"Attendu que par décision du Juge aux Affaires Familiales près le Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 27 janvier 2005, signifiée ce jour à Monsieur Y, Madame X s'est vue octroyer un droit de visite sur son enfants le dimanche de 14 à 18 heures ce droit devant s'exercer dès le 6 février 2005.
Attendu que cette décision ne prévoit aucune mesure particulière permettant de garantir la sécurité de l'enfant.
Attendu qu'il résulte des pièces de notre procédure, de manière constante que l'enfant ressent de véritables angoisses à l'idée de rencontrer sa mère sans protection.
Attendu que d'ailleurs, entendu par nos soins le 22 novembre 2004, et hors la présence de son père, V a pu exprimer qu'il "avait peur", ne voulait pas se trouver seul avec sa mère et a sollicité la protection du Juge des Enfants.
Attendu qu'à cette date, l'instance était pendant devant le Juge aux Affaires Familiales et aucune intervention éducative n'apparaissait nécessaire, la situation de danger n'étant pas concrètement avérée.
Attendu que la demande légitime d'un enfant, quel que soit son âge, ne saurait être écartée par le magistrat en charge de la protection de l'enfance.
Attendu que la décision du Juge aux Affaires Familiales en accordant à la Madame X un droit de visite sur son fils réaffirme le droit légitime d'un parent à entretenir des relations avec son enfant et la nécessité d'apaiser un conflit parental stérile et destructeur.
Attendu toutefois que si ces principes doivent être clairement réaffirmés aux parties, si l'institution judiciaire a pour vocation d'apaiser les tensions et de mettre progressivement fin à une situation délétère, l'enfant en tant que sujet, a des droits qui lui sont propres et que le Juge des Enfants se doit de protéger.
Attendu que V est en réelle souffrance et a invoqué une crainte non feinte à l'idée de se trouver confronté à sa mère.
Attendu que les éléments de la procédure et notamment les différents rapports d'expertises ordonnées dans le cadre des multiples procédures ont tous relevé que Madame X présentait une personnalité en grande souffrance ainsi que des troubles psychologiques.
Attendu que ces éléments permettent d'appréhender la sincérité du discours de l'enfant, ses légitimes appréhensions et d'écarter toute manipulation du père.
Attendu que la requête exprimée, par le mineur, capable de discernement, puis par son conseil est recevable et justifie qu'il soit statué sans délai.
Attendu qu'il convient d'ordonner ce jour une mesure éducative afin de préserver la sérénité de l'enfant, favoriser ainsi une relation plus harmonieuse avec sa mère et garantir sa sécurité en l'assistant et l'accompagnant durant les prochaines rencontres prévues avec Madame X.
Disons que le service mandaté accompagnera le mineur durant les rencontres prévues entre l'enfant et sa mère."
Dans un même Tribunal deux Juges peuvent avoir deux opinions sensiblement différentes.
Le vrai courage est d'avoir osé l'écrire.
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