Depuis déjà un certain temps, la Cour d’Appel de MONTPELLIER nous avait habitués à une politique assez particulière en matière de résidence alternée puisque, sauf quelques décisions isolées, la règle était de refuse la mise en œuvre de cette forme de domiciliation lorsque les parents s’opposaient.
Il s’agissait d’une interprétation restrictive des dispositions de la Loi, qui à aucun moment n’a prévu que les parents devaient être d’accord pour que cette résidence alternée puisse être mise en place.
Bien plus, en prévoyant la possibilité de l’instaurer sous forme d’une période probatoire de six mois, le législateur avait bien démontré qu’elle pouvait être mise à l’essai dans des hypothèses un peu compliquées, ce qui, d’ailleurs, était assez régulièrement utilisé en dehors du ressort de la Cour.
N’est-il pas raisonnable de penser que lorsque les parents s’entendent, ils n’ont besoin ni d’avocat ni de juge... !
Dans une décision de début juillet, et dans la même composition, la Cour vient d’infléchir sa jurisprudence.
Il s’agit d’un dossier dans lequel un couple se sépare en 2012, une Ordonnance de Non-Conciliation ordonne, comme c’est la règle dans tous les dossiers, une médiation familiale... mais fixe la résidence des deux enfants du couple chez le père, tout en réservant à la mère un droit de visite et d'hébergement.
La mère fait appel de cette décision qui sera évoquée devant la Cour deux ans après.
Auditionnés par le juge, les enfants restent relativement réservés sur leurs souhaits précis.
Nous ne saurons d’ailleurs pas, de façon claire, ce que les enfants ont dit.
Normal, ce sont les stigmates du conflit de loyauté violé allègrement par l’article 388-1 du Code Civil.
Une phrase laconique : " Les enfants ont exprimé lors de leur nouvelle audition par la Cour des avis divergents sur cette organisation ".
Comprenne qui pourra !
Mais ce qui est extrêmement intéressant est la motivation, de portée très générale, que la Cour d’Appel va utiliser et qui naturellement va être reprise dans d’autres dossiers.
En effet, elle déclare :
" Il sera relevé que le conflit conjugal, l’absence de dialogue entre les père et mère, ne saurait préjudicier aux intérêts des enfants qui doivent pouvoir maintenir des liens avec chacun de leurs père et mère dont les domiciles sont proches et les capacités éducatives non discutées, que la médiation ordonnée, après accord des parties, a vocation, conformément aux dispositions de l’article 373-2-10 du Code Civil, a faciliter la recherche par les parents d’un exercice consensuel de l’autorité parentale et que les parties qui persistent à s’imputer des griefs concernant la relation conjugale et se reprochent mutuellement d’influencer les enfants, doivent préserver les enfants du conflit et non les y impliquer.
Les dispositions de l’articles 373-2 du Code Civil, prévoyant que la séparation des parents est sans incidence sur les relations de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale et que chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent, l’Ordonnance de Non-Conciliation sera réformée et la résidence des enfants fixée en alternance au domicile de chacun des père et mère par application de l’article 373-2 du Code Civil, afin de favoriser le partage équilibré des temps de vie et de réduire les transports, des précisions étant apportées au dispositif sur les modalités applicables à défaut d’accord des parents. "
Voici donc une avancée jurisprudentielle considérable, émanant de la Cour d’Appel de MONTPELLIER.
Elle reconnait que même si les parents sont loin de s’entendre, ce qui est bien le cas, la résidence alternée va favoriser un partage équilibré du temps et permettre aux enfants de vivre une coparentalité équilibrée : dont acte !
J’aimerais être certain que cette décision a été prise dans le seul et strict intérêt de favoriser la résidence alternée et non pas parce que c’était le père qui avait la domiciliation ?
En effet, dans des situations inverses, où nous réclamions la mise en œuvre de cette alternance et que la mère avait la domiciliation des enfants, nous avons quasi systématiquement échoué.
Nous avons un certain nombre de procédures pendantes devant la Cour d’Appel de MONTPELLIER dans laquelle nous nous trouvons dans la dernière situation décrite.
Nous allons bien voir s’il s’agit d’un Arrêt isolé ou si, au contraire, une nouvelle jurisprudence se fait jour, ce que je ne peux bien évidemment qu’approuver sans la moindre condition tout en félicitant les magistrats qui ont rendu cet Arrêt de leur discernement.
La Loi a 12 ans et elle est enfin appliquée dans son intégralité...
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