J'ai déjà eu l'occasion, à de nombreuses reprises et, en particulier, dans les deux dernières éditions de mon guide du divorce et de la séparation, de faire part de mon sentiment sur le problème de la responsabilité professionnelle des Magistrats.
En effet, le corps magistral est le seul pratiquement en France à n'avoir de compte à rendre à personne si ce n'est à sa conscience.
Tout au plus, y a-t-il, de temps en temps, des fautes gravissimes qui ont conduit, récemment, un Magistrat particulièrement médiatique à devoir s'expliquer devant ses pairs.
De façon générale, ne sont mis en cause que des actes contraires à la Loi et à la procédure sans que ne soit sanctionnée la qualité du travail qui est effectué.
N'importe quelle profession, de la plus humble à la plus prestigieuse, est soumise à la responsabilité.
Les médecins, les huissiers, les notaires, les avocats, les chefs d'entreprise, les plombiers, les électriciens, les maçons, les architectes, les pilotes d'avion, les conducteurs poids lourds, les conducteurs de train, etc. ont tous une responsabilité.
Si le travail qu'on leur a confié n'est pas bien fait, non seulement ils sont sanctionnés dans leur qualité de salarié, s'ils le sont, mais ils peuvent également avoir leur responsabilité retenue dans le cadre de poursuites devant les tribunaux où ils seront jugés, justement, par des Magistrats qui eux n'ont aucune responsabilité quant à la qualité de leur travail.
L'on en veut pour preuve qu’une décision rendue, par une des vingt-huit Cours d’Appel de France, qui a, une fois n'est pas coutume, déclencher l'ire des avoués que j'avais choisi pour me représenter.
Mieux que des développements, voici l'expression du courroux de l’avoué :
"Mon Cher Maître,
Je vous prie de trouver sous ce pli l'arrêt prononcé le (…) par notre Cour et en particulier par Monsieur le Conseiller Y dans le cadre de l'affaire en référence.
Vous constaterez que, après avoir confirmé le double débouté du divorce (!) la Cour réforme le jugement en ce qu'il a maintenu au profit de l'épouse la pension alimentaire allouée au titre du devoir de secours sur le fondement de l'article 258 du Code Civil.
La Cour m'est donc à néant cette disposition en motivant par le fait que nous aurions, pour le compte de notre cliente, mentionné, dans le dispositif de nos écritures "DIRE ET JUGER qu'il y a lieu de mettre un terme aux mesures provisoires prises par l'ordonnance de non conciliation.
Il se trouve cependant que cette formule n'apparaît pas dans le dispositif de nos écritures mais dans celles de notre adversaire.
Au demeurant, il était logique que celui-ci demande qu'il soit mis un terme aux mesures provisoires prises par l'ordonnance de non conciliation puisque la Cour devait soit prononcer le divorce soit débouter les parties de leur demande de ce chef.
En revanche, à aucun moment, Monsieur X n'a demandé la réformation du jugement en ce qu'il avait accordé à notre cliente une contribution aux charges du mariage.
La Cour statue donc ultra petita dans une motivation qui entraînerait une cassation immédiate de son arrêt s'il était déféré à la censure de la Cour suprême.
Je ne sais cependant si c'est cette voie que choisira Madame Z ou la mise en œuvre d'une procédure de divorce fondée sur les nouvelles dispositions légales.
Nous pourrions également imaginer de saisir la Cour d'une demande de rectification d'ultra petita mais j'avoue, vu la qualité des Magistrats qui seraient amené à statuer, que je nourris quelques inquiétudes sur le sort de telles demandes.
Je reste à votre disposition pour m'entretenir de ce problème…"
Cette décision va avoir pour cette femme, des conséquences dramatiques.
Au-delà de la saisine de la juridiction et de la mise en œuvre d'une nouvelle procédure, nous allons effectivement saisir la voie hiérarchique mais tout ceci va se passer dans le secret feutré des couloirs de la Cour d’Appel et nous n'aurons jamais la certitude que celui ou celle qui a rédigé cette décision, si tant est qu'on puisse la qualifier ainsi, sera sanctionné.
Je vous laisse naturellement le soin de méditer et de réfléchir, comme je le fais maintenant depuis de nombreuses années, sur la nécessité absolue qu'il y a à mettre en cause la responsabilité professionnelle des Magistrats qui ne font pas leur travail correctement.
A l'heure actuelle, le seul moyen de le faire est de saisir l'état d'une action en responsabilité.
Je pense que ceux qui font correctement leur travail, et il y en a beaucoup, sortiraient grandis d'une telle réforme qui aurait le mérite d'éliminer celles et ceux qui n'ont strictement rien à faire dans une profession tellement grave et tellement important dans notre société puisque, en définitive, elle aboutit, par des décisions, à gérer la vie des gens.
A suivre.
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