Au bout de dix ans, la justice vient de trancher dans deux affaires délicates sans réellement apporter de solutions. Le temps pour régler ces dossiers a largement contribué à l’échec de l’institution, contrainte, comme vous allez le voir, de décider sans décider, de juger sans juger. Et pourtant, si ces deux affaires présentent des similitudes et si elles ont abouti à un jugement différent, elles ont un point commun que je dénonce comme une large proclamation dans le désert depuis des années : l’incapacité du système judiciaire, parfois plein de bonne volonté, de faire appliquer ses propres décisions.
LES JUMEAUX Pendant dix ans, un homme et une femme se déchirent, la domiciliation de leurs enfants à coups de procédures civiles et pénales. Les choses se calment et la mère demande au père de les récupérer, car ils ont grandi. Elle n’a jamais su ni pu les maîtriser quand ils étaient jeunes : elle est dépassée par les évènements au moment de leur adolescence. Le père les garde quelques semaines. Sans préavis, la mère les récupère et engage une procédure pour faire suspendre le droit de visite et d’hébergement de son ex. Les enfants lui auraient, parait-il, raconté que le père se serait montré violent envers eux. En fait, les jumeaux avaient été élevés comme des herbes folles pendant des années et avaient oublié ce que pouvait être un minimum d’autorité, de discipline et de respect. Deux ans de procédure vont voir se succéder un Juge au Affaires Familiales, un Juge des Enfants, des psychologues, des psychiatres, des éducateurs, en bref la fine fleur de ce qui, malheureusement, va contribuer à un fiasco judiciaire total. De la bonne volonté, il y en a eu, mais les délais, toujours eux, vont être cause du désastre annoncé. Après que tous les intervenants extrajudiciaires aient mis un an et demi à révéler, dans leur rapport, tout ce que nous savions depuis déjà bien longtemps, à savoir que le père n’était ni meilleur ni pire que la moyenne mais qu’au moins, lui était capable d’éviter aux jumeaux de se complaire dans des états transgressifs, le Juge aux Affaires Familiales rend une ordonnance particulièrement intéressante. Voilà ce qui est écrit : « Depuis la saisine de la présente juridiction à la requête de la mère, le père sollicitait, à titre reconventionnel, que la résidence de ses deux enfants lui soit confiée. Les termes de ces dernières écritures étaient plus réservés, s’en rapportant. Cependant, il a clairement énoncé, lors de l’audience, qu’il ne souhaitait plus revoir l’un de ses fils que ce soit à titre habituel ou en droit de visite et d’hébergement compte tenu des comportements provocateurs à répétition adaptés par celui-ci. La procédure relative aux modalités de l’exercice de l’autorité parentale devant le J.A.F. étant orale, ce désistement à l’audience qui recueille l’aval de la mère sera constaté. Il convient cependant de souligner qu’une telle attitude en violation des devoirs imposés par l’exercice de l’autorité parentale mais qui s’explique par les rejets incessants du père, pourrait en l’état du rôle éducatif joué par la grand-mère maternelle, se substituant à celui de la mère, conduire à l’exclusion totale de la figure paternelle. La mère sera, à cet égard, renvoyée à la lecture attentive des divers rapports établis, notamment le rapport de synthèse de la mesure d’investigation et d’orientation éducative qui développe l’attitude de l’un de ses fils et ses manipulations de la sphère maternelle afin d’échapper à toute autorité et contrainte, elle s’interroge quant à l’avenir de ce pré adolescent. Les deux parents demeurant cependant opposés quant à la résidence habituelle du second. Au regard des expertises effectuées et des éléments recueillis, il est indéniable que la mère des enfants n’a plus, sur eux, la moindre autorité et ne peut exercer aucune contrainte étant supplantée par sa propre mère quant à la prise en charge quotidienne de l’un de ses enfants, et semblant également dépassée par l’éducation et l’approche du second. Que sa bonne volonté et son affection indéniable pour ses fils ne parait plus suffisante. D‘ailleurs, le docteur X révèle « des troubles de la personnalité et du comportement sous-jacent, du mois dans la difficulté d’élever deux enfants au sein d’une conjugateur exacerbée ». Qu’en outre, il a pu, par le passé, faire obstacle au maintien de relations pérennes entre le père et les enfants et qu’aujourd’hui encore, la conjugopathie relevée par les professionnels, outre le différent entre les familles, parasite les relations entre les fils et leur père. Par ailleurs, l’un des enfants a pu montrer une certaine complaisance dans la situation actuelle, laquelle lui permet d’agir selon son bon vouloir sans rendre de comptes à l’ombre de son frère qui accapare toutes les attentions mais également une certaine angoisse dans le manque de référence Or, il semble que son comportement se dégrade sur le plan scolaire en premier lieu. Qu’ainsi, aux difficultés récurrentes rencontrées par l’un des deux, la mère risque de devoir ajouter celle que peut poser, dans un avenir proche, le second. Dans cette perspective, il n’est guère certain que la mère qui ne contient en aucune manière, son premier fils, parvienne à contenir le second, ce malgré la présence du suivi éducatif qui ne peut être qu’un soutien. Le père, quant à lui, révèle certes une fragilité psychique sans qu’il soit cependant justifié d’une hospitalisation pour tentative de suicide. Mais il est clairement ressorti des conclusions du rapport de Mme Y, élément d’appréciation parmi d’autres, qu’il est capable d’accueillir les enfants et souhaitable de lui laisser sa chance. Des éléments d’investigation réalisés pour le compte du Juge des Enfants ne révèle pas d’éléments dirimants à la prise en charge quotidienne de son fils. Il est certain que le père s’est vu refuser de manière systématique et répété le bénéfice de la résidence des enfants, en raison du comportement débordant sur la violence. Ces comportements, qui révèlent pour l’essentiel du passé, étaient cependant un lien avec l’incapacité dans laquelle le père se trouvait confronté d’inculquer des règles à ses fils, de sorte que la maladresse dont il a pu faire preuve, si elle doit être prise en compte dans ses manifestations, ne doit pas obérer toute possibilité pour lui d’agir en père pour l’avenir. D’ailleurs, il sera soutenu dans son rôle, par la mesure éducative. En outre, le second des jumeaux n’entretient pas de mauvais rapports avec son père, même s’il a pu lui reprocher sa violence, notamment verbale, et ne parait pas aussi hostile que son fils. Il est également apparu comme se pliant aux décisions fixées pour lui dans son intérêt. Le principe d’un maintien de sa résidence chez la mère, tel qu’il a pu le soulever lors de l’entretien avec un médecin, ressortait plus de la volonté de rester dans un contexte plus laxiste Il est certes de principe que la fratrie ne doit pas être séparée, sauf si cela n’est pas possible ou si l’intérêt de l’enfant commande une autre solution. En l’espèce, les liens qu’entretiennent les jumeaux sont forts et particuliers du fait de leur gémellité. Cependant, le second, en sa qualité de deuxième jumeau, a pu souffrir quelques fois d’être dans l’ombre de son frère. De plus, ces liens particuliers ne doivent cependant pas devenir l’excuse habituelle afin de faire suivre au second le même sort que l’aîné, sans prendre en compte ses spécificités et le bénéfice qu’il pourrait retirer d’être séparé de son frère, c'est-à-dire suivre une autre voie sans que la mise en concurrence n’apparaisse inéluctable au regard des relations différentes qu’entretenaient les jumeaux et leur mère. En outre, la fratrie ne sera guère séparée au regard de la proximité des résidences respectives des parents et du fait que les enfants seront désormais scolarisés dans le même établissement. Enfin, il sera rappelé qu’il appartient au J.A.F. de prendre, dans l’intérêt de l’enfant, des décisions y compris si l’enfant n’y souscrit pas en apparence. Le second des jumeaux est âgé comme son frère de 14 ans. A cet égard et comme lui, il ne peut et ne doit lui être laissé le loisir de dicter sa volonté même si son avis a pu être recueilli. Il doit, de manière forte et constante, être rappelé à son rôle d’enfant, ce que les parents n’ont su faire durant les années précédentes, depuis leur séparation en prenant les enfants à témoin et à partie de leur différence. De sorte, il apparaît de l’intérêt du second jumeau de voir fixer sa résidence chez son père. » Belle analyse, pertinente et pleine de sagesse. Résultat : Mi Septembre, le jumeau confié à la mère n’a pas effectué sa rentrée scolaire normalement, dans le collège désigné par le rectorat, car il est exclu de celui que pointait le juge dans son ordonnance. Quant au second, s’il a été scolarisé dans la localité où réside son père, il n’a fait que quelques brèves apparitions à l’école, car vous devez savoir que cette ordonnance n’a pas été exécutée. Qui s’en étonnera ? La mère a relevé appel mais n’a pas réclamé de procédure urgente devant la COUR. Elle s’est contentée de lancer une procédure devant le Premier Président pour faire lever l’exécution provisoire de ce jugement qui en est pourtant assorti de droit. Elle invoque, révélant ainsi une stratégie judiciaire discutable, les conséquences exceptionnellement désastreuses que la domiciliation chez le père engendrerait. Les fins juristes qui lisent apprécieront la pertinence de ce genre d’argumentation. J’attends, naturellement, avec beaucoup d’impatience la décision car, si par extraordinaire, l’arrêt lui était favorable, ce que je n’ose imaginer un instant, ce serait une jurisprudence nouvelle qui va, naturellement, être publiée. En fait, tout parent mécontent d’un transfert de domiciliation n’aurait plus qu’à saisir le Premier Président d’une levée de l’exécution provisoire en référé pour obtenir gain de cause… En attendant, le parquet est saisi, le Tribunal Correctionnel aussi, et tout le monde attend sans oser bouger, que l’autre, celui du bureau d’en face prenne la seule décision qui s’impose. Une bonne et salutaire volée de bois vert à cette mère irresponsable, drivée par sa famille. Je suis intimement convaincue que le mineur, déchiré dans le conflit de loyauté habituel, n’attend que cela. A suivre.
LA PETITE FILLE DU SUD : L’on reprend les mêmes, l’on change le sexe de l’enfant qui, de jumeaux devient une petite fille et l’on inscrit l’affaire dans un autre tribunal, tout aussi surchargé, du Sud de la France. En quelques mots : - Début 1996, le père obtient un droit de visite et d’hébergement classique, rien d’extraordinaire, mais il n’en demandait pas plus. 6 mois après cette décision, la mère déménage sans préavis, et s’installe à 450 Kms. Elle saisit le Juge des Enfants, prétendant que ce père avait des gestes déplacés sur sa fille. Ce magistrat, au mépris les plus élémentaires des règles de procédure, sans convoquer le père et sans débat contradictoire, suspend le droit de visite et d’hébergement du père pourtant reconnu par la Cour d’Appel six mois auparavant. Nous soumettons cette décision à la censure de la Cour D’Appel qui, naturellement, l’annulera. Mais le mal est fait. J’abreuve le parquet et le service du Juge des Enfants de correspondances. Aucune réponse. Six mois plus tard, une jeune magistrate, Juge des Enfants, qui succédait à la précédente qui poursuit depuis, j’imagine, une carrière vraisemblablement sans état d’âme, malgré la catastrophe qu’elle a provoqué, m’appelle et très gênée, car c’est son premier poste, m’indique que l’on a retrouvé un dossier perdu au greffe rempli de mes correspondances, qui était resté, comme l’on dit, lettre morte. Je passe sur les épisodes qui se succèderont, jusqu’au mois de MAI 2006 où un J.A.F. rend cette décision. « Il résulte des débats que depuis 1995, le père n’a plus revu sa fille, malgré le combat qu’il mène devant la justice pour revoir son enfant. Les faits d’abus sexuel dont la mère accuse le père d’être l’auteur n’ont jamais été établis, la plainte pénale dont elle fait état et qui date du 20 OCTOBRE 2004 (8 ans après l’ordonnance initiale du Juge des Enfants) pour des faits commis en 1996, est une plainte avec constitution de partie civile qui ne semble pas avoir beaucoup progressé dans le cabinet du Juge d’Instruction depuis 18 mois. Celui-ci s’étant d’ailleurs refusé à répondre au Juge aux Affaires Familiales sur l’état d’avancement du dossier, revoyant cette question aux parties elles-mêmes, lesquelles ne sont pas informées par le Juge, ce qui laisse mal augurer d’une suite rapide donnée à ce dossier. Le père n’est donc, à ce jour, ni condamné ni mis en examen pour de tels faits dont le caractère de gravité, s’ils étaient avérés, ne pourrait qu’avoir une incidence négative sur le droit de visite et d’hébergement. Tel n’est pas le cas. Et les expertises psychologiques de l’enfant, qu’il faire prendre avec circonspection, ont donné deux approches différentes. La première, du 03 JUILLET 1998, effectuée à la demande de la mère, conclut à un vécu douloureux de violences physiques sexuelles qui ne cessent de générer une véritable angoisse. La seconde, ordonnée par le Juge aux Affaires Familiales effectuée en 2002, indique qu’il n’apparaît aucun thème de caractère sexuel ni signe de traumatisme, dans ce domaine, par des tests projectifs. En revanche, l’expert psychologue désigné par le Juge aux Affaires Familiales a relevé chez l’enfant une dépendance affective importante avec sa mère accompagnée de nombreux symptômes névrotiques : peurs, cauchemars, phobies, somatisation par des maux de ventre et de tête, comportement alimentaire excessif… qui pourrait être l’expression de l’angoisse générée par l’exclusion du père dont la petite fille souffrirait (ne sommes-nous pas dans le syndrome d’aliénation parentale ?) Après la distance mise volontairement par la mère entre le père et sa fille, après le refus de la mère de se rendre au point Rencontre ordonné par le Juge, puis le refus de l’enfant de voir son père au Point Rencontre, l’enfant est aujourd’hui âgée de 13 ans et manifeste son refus de rencontrer son père malgré les avis psychologiques et les injonctions judiciaires. La souffrance de cette enfant induit par son vécu familial est réel, et il est regrettable que la mère, angulée dans sa problématique de persécution, n’a pas permis à sa fille d’être suivie par un psychologue pour permettre à l’enfant de retrouver la sérénité et l’équilibre psychologique dont elle aurait besoin. Force est de constater que le but poursuivi par la mère d’évincer le père a été atteint provisoirement. Il n’apparaît pas possible, en l’état du refus actuellement ancré dans l’esprit, de l’adolescente de fixer sa résidence habituelle chez son père. Son audition n’apparaît pas non plus opportune car elle n’amènerait aucun élément nouveau à la situation de blocage à laquelle la mère est parvenue. Par contre, il semble important, pour que la place du père continue à être reconnue par des instances judiciaires, qu’un droit de visite et d’hébergement soit organisé car, même s’il ne s’exerce pas, la petite fille doit savoir que son père n’a jamais démissionné de ses fonctions parentales et a toujours tenté d’établir ou de restaurer des liens avec sa fille, même si cette volonté n’est restée que théorique et n’a jamais pu se concrétiser. Cela permettra à la jeune fille, si elle arrive un jour à s’arracher de la toute puissance maternelle, à acquérir suffisamment d’indépendance, de rencontrer ce père qui l’attend depuis longtemps, et de lui réaffirmer judiciairement les nécessités de reconnaître à son père le rôle qui aurait du être le sien depuis des années, mais auquel la mère a refusé à lui donner accès. » Bravo pour la place du père. Mais l’enfant au milieu de ce désastre ? Et la mère, totalement irresponsable, dangereuse, méchante mais qui arrive au bout d’une procédure en toute impunité. A quand des décisions énergiques ? Rappelons, que la COUR de CASSATION en 1972, avait jugé que le fait pour le parent gardien de ne pas présenter l’enfant, à celui qui était en droit de le réclamer et nonobstant l’intérêt psychique de l’enfant, trahissait la confiance que la justice lui avait accordé, et que dans ces conditions, il convenait de transférer la domiciliation de l’enfant à l’autre. Si une telle jurisprudence se développait dans les tribunaux français, si les parents accusateurs qui utilisent l’inceste comme arme de destruction massive, étaient sévèrement sanctionnés, je suis absolument convaincu que les contentieux s’épuiseraient d’eux-mêmes. J’invite donc, une fois de plus, les décideurs à bien réfléchir à ce problème. Il ne sert à rien de légiférer si les décisions de justice, issues de ces nouvelles lois, ne sont pas appliquées et respectées.
Franck MEJEAN
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