Les décisions de justice rendues par certaines juridictions françaises ne laissent de nous surprendre et de nous interroger sur l'application des dispositions fondamentales de notre droit.
L'une de ces dispositions qui régit la relation entre plaideurs devant le Tribunal est naturellement le principe du contradictoire.
Cela signifie, de façon très claire, que les parties doivent, avec loyauté, échanger, dans des délais raisonnables, les éléments de leur procédure afin qu'ils puissent être débattus contradictoirement le jour de l'audience.
Cela justifie donc d'une communication en temps et heure afin de permettre au plaignant de constituer des dossiers convenables.
L'un des principes qui régit le contradictoire est celui du délai qui permet à l'une des parties de se présenter devant une juridiction afin d'exposer seul ou avec son avocat, selon la juridiction, sa position.
Et bien certains tribunaux et certaines cours d’appel considèrent que tout ceci est assez accessoire et que la présence des parties à l'audience, alors qu'ils ont été assignés dans des conditions pour le moins curieuses, n'est pas de nature à justifier l'annulation des ordonnances qui sont rendues au mépris du principe élémentaire du contradictoire.
LES FAITS :
Une mère décide, dans un dossier très compliqué, d'utiliser l'arme de destruction massive habituelle, qui est l'accusation de violences et d'abus sexuels sur l'enfant, pour priver son ex d'une résidence alternée qui fonctionnait pourtant depuis de nombreuses années.
Pour la petite histoire, la petite fille en cause était la fille biologique de la sœur de mon client et elle avait été adoptée dès sa naissance par le couple l'épouse étant, semble-t-il, en grande difficulté pour procréer.
Mais revenons à la procédure.
Elle rencontre un avocat qui décide de délivrer une assignation dite d’heure à heure.
Celui-ci rencontre un Magistrat le jeudi, lui vend son histoire et obtient, sans sourciller, une autorisation d'assignation pour le lundi à 9 heures.
La procédure est immédiatement transmise à un huissier qui tente de la délivrer le vendredi matin.
Il passe au domicile du père qui, évidemment, est au travail et laisse un avis dans la boîte aux lettres priant ce dernier de se présenter le premier jour ouvrable suivant.
Nous sommes vendredi et le premier jour ouvrable est un lundi.
Le client s'y présente donc le matin, vers 9 heures 30.
On lui délivre l'acte pour une audience du même lundi mais à 9 heures.
Il se précipite seul au Tribunal de Grande Instance, se renseigne et, après marathon que tous ceux qui ont fréquenté les Greffes connaissent bien, il apprend que son affaire est déjà passée et est en délibéré.
Il passe au cabinet.
Je le reçois entre deux et écrits immédiatement au Magistrat en l'informant de la situation, lui indiquant que, à mon sens, il y a eu violation du principe du contradictoire et que, compte tenu de la gravité des faits, il conviendrait d'ordonner immédiatement la réouverture des débats.
La présentation de la requête date du 6, l'audience a eu lieu le 9 et ce n'est que le 17 que la décision tombe : suspension du droit de visite et d’hébergement du père.
Entre temps, il semblerait que le Magistrat ait auditionné l'enfant qui, n'ayant plus vu son papa depuis des semaines et prise dans le conflit de loyauté, a, semble-t-il, raconté tout et n'importe quoi.
Précisons que le père n'est pas informé de cette audience.
Nous relevons appel.
J'expose clairement la situation en expliquant, ce qui constitue pour moi, un jugement inacceptable.
Voici la réponse extraordinaire qui m'est faite :
"ATT/ que Dame X a saisi le Juge aux Affaires Familiales selon la procédure de référé d'heure à heure à la suite de graves suspicions de violences à l'égard de l'enfant.
Que l'huissier, mandaté pour délivrer à Monsieur Y l'assignation à comparaître pour l'audience du 9 …,…. s'est présenté à son domicile le 6… où il ne l'a pas trouvé.
Qu'il a procédé aux formalités requises par l'article 656 et 658 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Que les conditions de délivrance de l'assignation sont donc parfaitement régulières.
Que le fait que Monsieur Y ne se soit rendu à l'étude de l'huissier que le jour de l'audience pour en prendre connaissance (le samedi et le dimanche les études d'huissier sont fermées) et qu'il n'ait pas aussitôt réagi en se rendant au tribunal (c'est faux) n'est pas de nature à entraîner la nullité de l'ordonnance rendue dans des conditions juridiquement régulières.
Que sa demande tendant à l'annulation de cette décision sera donc rejetée…".
Nous avons naturellement ressaisi le Juge du fond, qui risque, au passage, d'être le même que celui qui a tranché en référé, avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir.
Il faut, tout de même, avouer que notre bon vieux principe du contradictoire est bafoué allégrement sans que personne ne sourcille.
Certes, la deuxième décision est contradictoire mais elle ne fait que valider la première en considérant que la façon de procéder était tout à fait normale.
Je laisse cette façon de procéder à votre méditation collective sachant que ce genre d'aventure peut vous arriver d'un jour à l'autres.
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