Ce genre de problème se pose de façon récurrente dans les dossiers que nous traitons au Cabinet.
Lorsque le déplacement reste circonscrit au territoire national, cela complique évidemment les choses pour l’enfant mais le contact reste possible avec le parent chez qui il ne vit pas.
La jurisprudence avait d’ailleurs, ces dernières années, évolué puisque plusieurs Cours d’Appel en France avaient décidé de laisser les enfants sur leur lieu de résidence habituel, accordant au parent migrant un droit de visite et d’hébergement.
Les choses ont cependant sensiblement régressées ces derniers temps et le droit des enfants à leurs deux parents en sort quelque peu bousculé.
L’affaire :
A l’issue d’un divorce houleux, l’enfant est domicilié chez sa mère, son père se voyant réservé un droit de visite et d’hébergement classique.
Elle déménage et part s’installer à 400 Km.
Le père assure les trajets et se heurte à plusieurs refus.
La mère est sérieusement tancée par le Tribunal Correctionnel et le Juge aux Affaires Familiales redistribue les cartes de façon intelligente.
Face à cette situation, elle revient s’installer à proximité de sa résidence d’origine.
Plusieurs années passent sans trop de difficultés.
Entre temps, elle retrouve un homme, qu’elle avait connu naguère, et qui vit aux Etats-Unis.
L’idée d’une migration lointaine fait vibrer la jeune femme qui se marie.
A ce jour, elle n’aurait vécu qu’un mois avec celui qui est devenu son mari depuis plus de un an.
Elle ne connaît quasiment pas son lieu de résidence.
Elle demande cependant à quitter la France, le Juge va rendre une série de décisions.
Mieux qu’un commentaire, voici le texte :
" Par jugement du..., le Juge aux Affaires Familiales a rejeté la demande de Madame X, tendant à être autorisée à emmener sa fille aux U.S.A. et à voir modifier le droit de visite et d’hébergement du père, la requérante ne disposant pas en l’état d’un titre de séjour l’autorisant à résider aux Etats-Unis.
Par acte d’Huissier, postérieur, Madame X a assigné le père devant le Juge aux Affaires Familiales en référé aux fins d’être autorisée à résider aux Etats-Unis avec sa fille.
A l’appui de ces demandes, elle fait valoir qu’elle vient d’obtenir une autorisation d’entrée sur le territoire américain pour rejoindre son mari qui travaille aux U.S.A..
Elle précise cependant que cette autorisation est valable pour une durée de 3 mois, ce qui justifie qu’une décision soit rendue dans l’urgence.
Le père s’oppose, il soulève l’incompétence et demande reconventionnellement la domiciliation de sa fille.
Motif de la décision, il ressort des débats et des pièces versées au dossier, et notamment des courriers du consulat de France, que Madame X vient d’obtenir une autorisation d’entrée sur le territoire américain valable pendant 3 mois suite à son émission. »
Dès lors, elle justifie qu’il soit statué en référé.
Sur la recevabilité :
Dans sa décision précédente, le Juge aux Affaires Familiales a rejeté la demande de la mère en raison de son caractère prématuré, Madame X ne disposant pas d’un titre lui permettant de séjourner aux U.S.A. et ne pouvant se prononcer sur le délai dans lequel elle obtiendrait une autorisation.
La requérante venant d’obtenir cette autorisation, elle fait état d’un élément nouveau.
Sur les demandes concernant l’enfant, il ressort de l’audition de l’enfant ( 9 ans) qui a toujours vécu avec sa mère, qu’elle souhaite partir vivement avec elle.
Elle suit régulièrement des cours d’anglais et a séjourné plusieurs fois aux Etats-Unis à l’occasion des vacances.
Madame X justifie d’une domiciliation avec son mari et d’une possibilité de scolarisation de sa fille à proximité du domicile.
Il apparaît également que le père exerce régulièrement son droit de visite et d’hébergement sur sa fille, il lui propose de partager avec lui des activités de qualité.
Il ressort cependant des documents versés aux débats que le père a résilié le bail de son appartement actuel pour aller vivre chez sa nouvelle compagne.
Dans ces conditions l’enfant ne disposerait pas d’une chambre personnelle dans ce nouveau domicile et devrait dormir dans la même chambre que le fils de la compagne de Monsieur X, âgé de 10 ans.
Il apparaît ainsi que l’enfant, qui va bientôt entrer dans l’adolescence ne disposait pas d’une intimité suffisante si sa résidence habituelle était fixée chez son père.
Eu égard à l’ensemble de ces éléments, il convient de fixer la résidence de l’enfant chez la mère et de l’autoriser à partir aux Etats-Unis, le père se voyant accorder un droit de visite et d’hébergement qui s’exercera chaque année : le mois de juillet et jusqu’au 15 août, 15 jours pendant les vacances de Noël les années paires, 15 jours pendant les vacances de Février les années impaires ainsi que pendant les vacances de Pâques les années paires en précisant que les frais de trajets seront pris en charge par la mè... "
Cette décision est absolument stupéfiante.
L’on a bien compris qu’alors que le Juge n’a strictement aucune information sur la façon dont la mère va vivre aux Etats-Unis, elle l’autorise à quitter en plein milieu de l’année scolaire la France pour partir s’installer avec un homme, certes, qui est son mari mais qu’elle ne connaît pas en prétextant que le père n’aurait pas la possibilité de donner une chambre à sa fille.
C’est d’une part absolument faux mais l’on a bien le sentiment, en lisant ce document, que c’est un alibi, un prétexte, pour permettre à une mère de partir avec une enfant de 9 ans pour qui les Etats-Unis se résument strictement à Disneyworld.
Le père, dans le cadre de ses écritures, avait indiqué qu’il n’était pas à priori hostile à ce que sa fille vive aux Etats-Unis.
Il pensait simplement qu’une enfant de 9 ans était bien évidemment sous influence lorsqu’il s’agissait d’un changement aussi important de sa vie et qu’il eut été, dans un premier temps, particulièrement avisé de maintenir la domiciliation chez lui, ce qui aurait permis à l’enfant de terminer son année scolaire et de laisser à la mère la possibilité de bénéficier d’un droit de visite et d’hébergement extrêmement large pendant au moins un an.
L’enfant aurait donc eu tout loisir de se rendre compte que la vie aux Etats-Unis est peut-être moins facile que ce que l’on ne croit, surtout lorsque l’on ne parle pas anglais.
En fait, l’argument du Juge au terme duquel l’enfant aurait suivi des cours est également un alibi, dans la mesure où tout ce dossier se passe dans des petits villages du Languedoc-Roussillon où les cours d’anglais sont dispensés à raison d’une heure et demie par semaine…
Cette affaire est maintenant devant la Cour d’Appel, la 1ère Présidence ayant été saisie d’une demande d’autorisation d’assignation à jour fixe.
J’ai bien évidemment informé la partie adverse d’avoir à attendre la décision de la Cour avant que de quitter la France car bien évidemment la politique de l’état de fait primera et si l’enfant part aux Etats-Unis, le père pourra bien évidemment faire une croix définitive sur la relation normale qu’il aurait dû continuer à entretenir avec elle.
Comment peut-on imaginer l’ombre d’un instant qu’un père ou une mère puisse avoir une relation normale avec un enfant qu’il ne pourra voir que dans les conditions qui sont accordées à ce client ?
Je me ferai, bien évidemment, un devoir de voir informer de la suite.
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