UNE JUSTICE PARADOXALE :
vous avez j’imagine entendu parler de la réforme du divorce entrée en vigueur le 1er janvier 2005.
J’ai déjà eu l’occasion de m’expliquer sur le sujet et en particulier dans mon nouveau guide qui paraîtra en novembre prochain.Cette énième refonte de notre droit de la famille était globalement parfaitement inutile.
Il suffisait de doter le Ministère de la Justice d’un budget suffisant permettant la multiplication de postes de Magistrats et de Greffiers et l’ancienne Loi aurait parfaitement bien fonctionné.
La nouvelle, dite Loi de pacification du divorce (un euphémisme) ne fonctionnera de toute façon pas mieux que la précédente tant que des moyens sérieux n’auront pas été mis en place.Un point cependant important à retenir : la nouvelle législation rend le divorce absolument inéluctable à partir du moment où une procédure a été engagée.
En effet, le divorce dit POUR ALTERATION DEFINITIVE DU LIEN CONJUGAL depuis plus de deux ans est beaucoup moins contraignant que l’ancienne procédure dite de RUPTURE DE LA VIE COMMUNE DEPUIS PLUS DE SIX ANS.
Lorsque l’on sait que les parties disposent maintenant de 30 mois au lieu de 6 auparavant pour lancer l’assignation en divorce juste après l’ordonnance de non-conciliation, l’on peut comprendre qu’il suffit d’attendre 24 mois après cette audience pour assigner et acculer le conjoint qui ne veut pas divorcer au divorce.
Chacun analysera cette situation en fonction de ses convictions et de son éthique personnelle mais, le paradoxe n’est pas là.Vous n’ignorez pas que toutes les procédures lancées avant le 1er janvier 2005 sont régies par l’ancienne Loi.
Trois décisions assez curieuses viennent d’être rendues.Je rappelle que mon propos s’inscrit dans un contexte juridico-judiciaire nouveau où le divorce qui est banalisé ne peut plus être évité.
a) Deux conjoints sont séparés depuis 6 ans et n’ont plus la moindre relation.
Les griefs exposés de part et d’autre confinent au sordide et le mari produit même des constats tendant à prouver que sa femme laissait le domicile conjugal dans un état de crasse invraisemblable.
Tout y passe : l’adultère, la crasse, etc…
Le Tribunal de Grande Instance prononce le divorce aux torts partagés (rien à dire) mais fixe une prestation compensatoire que le mari trouve excessive : je l’approuve.
Nous relevons appel et, le dossier devant la Cour n’améliore pas les relations entre les époux.
Résultat : double débouté.
Traduction : la Cour estime qu’il n’existe pas de motif suffisant pour prononcer le divorce des deux conjoints séparés depuis 6 ans.
b) Deux conjoints sont séparés depuis 4 ans et se livrent eux aussi une lutte sans merci.
Le mari n’a rien à reprocher à sa femme si ce n’est qu’atteinte d’une maladie invalidante au possible, elle ne peut avoir avec lui des relations personnelles normales.
Il décrit donc avec force détails les problèmes de son épouse et se positionne en victime justifiant ainsi son départ.
La chose est d’une élégance rare !
La femme de son côté explique son calvaire avec beaucoup de pudeur.
Elle souligne que son mari l’a abandonnée au moment où elle avait le plus besoin d’aide.
Le divorce est prononcé de façon tout à fait normale aux torts du mari mais l’épouse curieusement, n’obtient pas de prestation compensatoire.
Nous relevons appel.
Devant la Cour pas moins de 171 pièces et 35 pages de conclusions sont déposées.
La bataille fait rage.
Résultat : double débouté.
La Cour estime qu’il n’existe pas de moyen sérieux de nature à permettre le prononcé du divorce.
c) Marié depuis 40 ans un couple explose, la femme ne supportant plus son mari qu’elle laisse choir sans préavis.
La chose est très mal vécue par le mari qui se retrouve seul dans un petit village isolé de montagne où le couple avait décidé de passer sa retraite.
J’essaie de canaliser ses ardeurs guerrières mais rien n’y fait.
Le Tribunal finit par prononcer le divorce aux torts partagés avec prestation compensatoire.
La femme ne s’en contente pas et relève appel : erreur fatale !
Pendant que l’affaire chemine devant la Cour, le mari enfermé dans sa petite maison de montagne environnée de neige finit par perdre le sens du commun l’espace d’une lettre, par laquelle il jette tout son désespoir et menace de se supprimer après avoir fait disparaître sa femme et l’avocat de celle-ci.
L’ambiance est pesante lorsqu’il me fait, devant la Cour d’Appel minimiser la portée de cet écrit naturellement versé aux débats par la partie adverse.
Résultat : double débouté.
La Cour estime qu’il n’existe pas de motif suffisant de nature à permettre le prononcé du divorce.
Dans ces trois affaires, j’ai redéposé une nouvelle procédure en divorce.
J’estime cependant tout à fait anormal d’être obligé d’imposer à mes clients les frais d’une nouvelle procédure alors que les dossiers justifiaient largement le prononcé du divorce ne serait-ce qu’aux torts partagés.
Je ne porte naturellement aucun jugement de valeur définitif sur ce que j’ai vécu dans ces affaires.
J’ai retrouvé face à moi des clients intelligents qui ne m’ont pas choisi comme cible privilégiée de leurs déboires judiciaires, ce qui arrive malheureusement souvent.
Mais ces cas mettent en lumière la pertinence des propos récents d’un Ministre de la République qui de façon certainement très maladroite mais, ne l’a-t-il pas fait exprès, a rappelé à la justice qu’elle pourrait peut-être un jour être soumise à la responsabilité de ses actes comme tout un chacun.
Je suis pour ma part persuadé que cela la rapprocherait des citoyens qu’elle est tout de même payée pour juger.
2)EN BREF :Un père accusé d’inceste injustement est blanchi.
Il n’a cependant pas revu sa fille depuis des années, sauf dans un point rencontre où les choses ne se passent pas au mieux
Il y a quatre ans il obtient un premier arrêt de Cour d’appel dans lequel les Magistrats reconnaissent qu’il a fait l’objet d’une effroyable machination mais l’incitent à la patience et à l’amour pour revoir lentement mais sûrement sa fille.
Quatre ans après les choses ne se sont pas améliorées et nous ressaisissons le Juge aux affaires familiales qui rend une ordonnance au terme de laquelle est accordé au père avec énormément de générosité la possibilité pour lui de voir sa fille 2 jours par an selon les modalités que cette enfant aura choisi.
Le conflit de loyauté bat son plein.
Nous relevons appel et l’arrêt vient de tomber.
La Cour d’appel, la même qu’il y a quatre ans, décide avant de se prononcer sur le litige que, des documents détenus par le Juge des enfants lui seront communiqués.
Elle indique cependant avec une pertinence remarquable et, c’est bien l’essentiel de mon propos :
En droit il n’appartient pas à un enfant, même âgé de 15 ans de choisir si elle veut ou non rencontrer son père.
Tout ceci peut vous paraître banal mais, cet arrêt est essentiel.
Enfin des Magistrats reconnaissent que, la parole de l’enfant n’est pas d’or et que les parents détiennent naturellement un devoir sacré : celui d’inculquer aux enfants le sens des valeurs et le respect des décisions de justice.
Nous attendons la suite.
Départ inopiné : transfert de domiciliation de l’enfant.
J’ai déjà eu l’occasion de vous parler de ces décisions rendues qui ont ordonné le transfert de la domiciliation d’enfant lorsque le parent chez qui il vivait quittait de façon inopinée son domicile.
Un Tribunal de la périphérie parisienne vient à nouveau de fustiger l’attitude d’une mère qui a fait passer son intérêt personnel et sa vie privée avant l’intérêt de l’enfant qui est naturellement de pouvoir maintenir des relations normales avec le parent chez qui il ne vit pas.
L’on rappellera pour mémoire qu’une des grandes nouveautés de la Loi du 4 mars 2002 avait été de demander au Magistrat de privilégier lorsque la domiciliation était accordée celui des deux parents qui était le plus apte à permettre des relations normales entre l’enfant et l’autre parent.
Cette décision vient donc confirmer la tendance jurisprudentielle en la matière c’est une chance.
Loin de vouloir bloquer la liberté individuelle des uns et des autres, il est certain que l’éducation d’un enfant est une lourde responsabilité que l’on ne peut à l’envie l’obliger à migrer rendant quasiment impossible la relation avec l’autre parent.
C’est une question de choix personnel qu’il paraît évident que la justice privilégie maintenant la stabilité à l’éloignement.
Les nouvelles du Palais ne sont pas si bonne que je ne puisse me réjouir encore une fois de ce genre de décision.
Les commentaires récents