TROIS COURS D'APPEL VIENNENT ENFIN DE METTRE UN TERME A CERTAINS ERREMENTS DE LA JURISPRUDENCE EN MATIERE DE RESIDENCE ALTERNEE
La Loi du 4 mars 2002, portant possibilité de mettre en oeuvre des résidences alternées, a connu des fortunes diverses.
Il
n'est pas exagéré d'affirmer que certains Magistrats opposaient, au
mieux, une force d'inertie, au pire, une farouche résistance aux
dispositions novatrices de la Loi en utilisant, quasiment
systématiquement, les mêmes arguments :
1) opposition des parents
2) kilométrage important entre les domiciles
3) voeux de l'enfant
Trois
Cours d'Appel viennent successivement de rendre trois arrêts qui
répondent point par point à ces arguments et qui devraient,
normalement, réduire les poches de résistance subsistantes.
Le 23
décembre 2003, la Cour d'Appel de BASTIA confirmait une ordonnance,
rendue par le Juge aux Affaires Familiales d'AJACCIO le 11 septembre
précédent, décision qui avait mis en oeuvre une résidence alternée sur
un enfant deux ans et demi par période hebdomadaire.
Le Juge
aux Affaires Familiales, qui a été suivi par la Cour d'Appel, avait
estimé que les quarante kilomètres séparant les domiciles des deux
parents n'étaient finalement pas pires que les distances à parcourir
pour l'exercice des droits de visite et d'hébergement en région
parisienne.
Il avait également balayé l'âge de l'enfant considérant
que, à deux ans et demi, le petit garçon pouvait se structurer
intelligemment dans la séparation de ses parents grâce à l'alternance.
La
Cour d'Appel de BASTIA, saisie d'un appel à jour fixe, c'est-à-dire
dans l'urgence, a confirmé cette décision dans toutes ses dispositions,
invitant la partie la plus diligente à ressaisir le Juge aux Affaires
Familiales compte tenu de la période probatoire de six mois qui avait
été prévue dans l'ordonnance.
La chose a été faire et nous replaidons dans quelques jours : affaire à suivre.
Le 26 décembre 2003, la Cour d'Appel de ST DENIS DE LA REUNION rendait également un arrêt très novateur.
Saisie
d'un appel d'une ordonnance de Juge aux Affaires Familiales qui avait
rejeté la demande de résidence alternée, alors que les parents étaient
à sept kilomètres l'un de l'autre, la Cour d'Appel de ST DENIS DE LA
REUNION motivait avec pertinence sa décision.
"Attendu que,
contrairement à ce que soutient la mère, la résidence alternée n'est
pas de nature à créer plus de conflits entre les parents que le large
droit de visite et d'hébergement existant actuellement.
Attendu que
le critère essentiel que pose la Loi, pour déterminer la décision du
Juge en la matière, est la sauvegarde de l'intérêt de l'enfant tel
qu'énoncé à l'article 373-2-6 du Code Civil.
Attendu que le désir de l'enfant est, généralement, d'être "papa et maman".
Que
la garde alternée est, par nature, la plus proche du souhait de
l'enfant, la fixation de la résidence chez l'un d'entre eux n'étant
qu'un pis aller faute de pouvoir appliquer la méthode du roi Salomon..."
Enfin, la Cour d'Appel de MONTPELLIER vient de rendre, le 27 janvier 2004, un arrêt qui est, également, extrêmement intéressant.
Dans
cette affaire, le Juge aux Affaires Familiales, initialement saisi,
avait rejeté la demande de résidence alternée présentée par le père
après l'entrée en vigueur de la Loi du 4 mars 2002, alors que les
parents l'avaient mise en oeuvre à l'amiable avant.
Le souci
qu'avait eu le demandeur était simplement de mettre les faits en
équation avec le droit et, malheureusement, la mère avait saisi cette
opportunité et, pour des raisons obscures, s'y était opposé.
Le
Juge aux Affaires Familiales devait considérer que la résidence
alternée n'était possible que quand les parents étaient d'accord.
Cet
argument était pour le moins curieux parce qu'il n'était pas prévu par
la Loi et surtout parce qu'il était logique de penser que lorsque des
parents qui se séparent sont accord, ils n'ont besoin de personne pour
régler leurs problèmes.
Il a, cependant, fallu que la Cour d'Appel
de MONTPELLIER statue et qu'elle indique que, à aucun moment, le
Législateur du 4 mars 2002 n'avait voulu prévoir un accord entre les
parents et que la résidence alternée pouvait naturellement être mise en
oeuvre même si l'un des deux s'y opposait, d'où, d'ailleurs, la fameuse
période probatoire de six mois.
Voici donc trois jurisprudences
fort intéressantes rendues à quelques semaines d'intervalle par trois
Cours d'Appel, totalement différentes et excentrées.
L'on peut
imaginer, naturellement, que les lobbies, extrêmement efficaces, qui
militent contre l'alternance, ne manqueront pas de critiquer ces
décisions.
Il serait cependant pour le moins intéressant qu'un large
débat puisse enfin avoir lieu et que les détracteurs de la résidence
alternée puissent expliquer pourquoi ils s'y opposent.
En effet,
qu'est-ce qui rend une résidence alternée plus déstructurant et plus
déstabilisante pour les enfants que les droits de visite et
d'hébergement que nous recueillons régulièrement devant les Tribunaux,
savoir un week-end sur deux, du vendredi au lundi matin, et un milieu
de semaine voir tous les milieux de semaine, du mardi soir au jeudi
matin.
Il n'y a naturellement aucune bonne solution pour régler le sort des enfants de la séparation.
La
règle numéro une, à mon avis, est de faire preuve de la plus grande
humilité. Comme le rappelait intelligemment les Magistrats de ST DENIS
DE LA REUNION, les enfants de la séparation ont envi "de papa et maman".
L'on
ne pourra pas répondre, naturellement, à leur voeu mais la résidence
alternée n'est-elle pas le moins mauvais moyen pour adoucir leur
désarroi.
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