Tout le monde connaît ce proverbe " Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de Cour vous rendront blanc ou noir " qui est réalité la morale de la fable " Les animaux malades de la peste " de Jean de LA FONTAINE.
Celui-ci avec les images et la finesse qui le caractérisent, décrit les dérives de la justice de son temps, qui ne faisait pas le même sort aux riches et aux pauvres, aux nobles et aux gueux.
Mais la réalité est-elle différente aujourd’hui ?
Nous est fréquemment posée la question de savoir si tel ou tel Juge était susceptible de se laisser impressionner par le statut social de l’adversaire, ses fonctions, son entregent, voire " acheté " par sa fortune etc…, craintes dont les médias se font l’écho lorsqu’ils évoquent, à propos de tel ou tel procès, selon la formule consacrée, " La bataille du pot de terre contre le pot de fer ".
A vrai dire, pour ma part, dans le droit de la famille qui est, vous le savez, mon domaine d’intervention privilégié, il ne m’a pas été donné d’observer de dérive de ce type et surtout pas de collusions financières.
Alors me direz-vous pourquoi cet article ?
Notre chevalier aurait-il posé l’épée dans son fourreau pour désormais poser un regard bienveillant sur cette justice dont il stigmatisait encore les errements il y a quelques chroniques…
Rien de cela en réalité mais, ce que je me dois d’illustrer aujourd’hui est l’influence, sur le procès, non pas de la personnalité du ou des plaideurs mais de celle… de ses Juges.
Lorsque j’étais beaucoup plus jeune et pas encore rentrée dans la profession, j’avais été particulièrement choquée de trouver, dans un magasine d’information bien connue, un tableau comparatif des décisions de cours d’assises bien évidemment " à crimes égaux ".
Une sorte de " hit-parade " ou de " top 50 " en quelque sorte…
L’on y apprenait ainsi qu’il était moins risqué de commettre un viol en zone rurale plutôt qu’en région parisienne ou en PACA, tandis que les crimes d’argent et/ou liés à la terre suscitaient beaucoup plus d’émois chez nos amis agriculteurs …
Le tout étant d’éviter autant que faire se pouvait la Cour d’assises de DOUAI considérée comme la plus sévère de France, tous crimes confondus, celle de Perpignan, moins bien placée, tenant cependant son rang.
J’avais été profondément choqué de voir constater qu’en réalité, la sanction infligée dépendait, aussi, de la personnalité de celui ou ceux qui la prononçait.
Aujourd’hui, après de nombreuses années de pratique, je suis amenée à faire ce même constat, même, et j’allais dire, surtout, en matière familiale.
Les hasards du partage des dossiers entre les différents Magistrats d’une même juridiction vous feront comparaître devant celui qui, d’un certain âge, pétri d’une éducation judéo- chrétienne, n’envisageait pas " d’arracher " à une maman forcément entièrement dévouée à sa progéniture de jeunes enfants qui, jusqu’à leurs 18ème anniversaire, courraient un risque majeur à partager du temps avec leur père. Il nous serinai, à longueur d’audience, que le " bisou du soir " de la maman était irremplaçable dans une éducation…
Vous pouvez avoir plus de chances ( ?) et " tomber " sur le néo-bobo qui, chantre de l’égalité, ordonnera à ce titre et quelles que soient les circonstances, une résidence alternée dont personne ne voulait, décevant ainsi, les deux partie.
Ou tout au contraire, celui ou celle dont la position toute dogmatique sera de ne jamais ordonner cette alternance dont certains psychologues disent aujourd’hui, à l’inverse de ce qu’ils prônaient il y a 10 ans, qu’elle prive les enfants de tout repère. Mais tout, en la matière est sujet à revirement.
Ou encore devant celle qui, juste et neutre dans ses appréciations avant maternité, deviendra outrancièrement pro-maman au bénéfice de bouleversements hormonaux qui l’amèneront pratiquement à échanger, sur l’audience, adresse de pédiatres et autres recettes de goûter avec telle autre jeune maman qu’elle soit partie ou avocat…
Que dire encore de ce sémillant quinquagénaire frustré par une carrière qui ne l’a jamais éloigné des affaires familiales mais définitivement du titre de Président qu’il briguait dont la 3ème épouse vient de le quitter pour un plus jeune et qui reportera sa blessure d’amour propre et sa misogynie sur le 1er dossier de divorce qui lui passera entre les mains, inutile de vous dire qu’il sera, dans cette hypothèse et de loin, préférable d’assurer la défense du mari.
Une juridiction voisine abrite depuis quelques mois un jeune Magistrat dont le visage reflète toute la misère du monde et la courbure des épaules le poids des soucis, et à qui il suffit de constater au détour de dossiers énormes et très documentés que l’un des deux parents a fait un usage mineur de son droit de correction pour le clouer au pilori, le reléguer au rang de parent maltraitant menacé de garde à vue et sanctionné d’un droit de visite et d’hébergement ridicule.
Nous a quitté il a quelques années pour d’autres horizons l’une de ses collègues totalement " fashion victime " et dont l’œil exercé lui permettait de juger chaque femme entrant dans son bureau avant même qu’elle ne s’assoit, sur sa paire de Louboutin l’authenticité du Kelly qu’elle balançait négligemment au bout de son bras la montre Chanel édition limité qu’elle n’avait pas réussi à s’offrir … inutile de vous dire que nos clients ont été sérieusement briffés avant ses audiences auxquelles elle se présentait sans ressembler à des mendiantes, étant détenu simple sinon minimaliste.
Ce seront encore les caprices de l’audience qui feront que vous passerez le matin à 8H30 devant un Magistrat frais et dispo ou à 13 heures devant le ou la même qui, trente plaidoiries plus tard aura vu défiler devant lui tous ses collègues partis déjeuner en lui lançant d’un ton goguenard, " On ne t’attends pas… ".
Même " soupe à la grimace " si votre Juge avait décidé de profiter d’un rayon de soleil pour aller déjeuner en terrasse ou perdre quelques calories dans une salle de gym et que de vilains plaideurs auront eu la très mauvaise idée de saborder ce petit plaisir en venant leur exposer leurs sombres problèmes personnels.
Certes la justice est humaine et il est heureux qu’elle le soit et le reste tant, notamment en cette matière il serait inopportun de plaider face à de véritables machines " distributeurs de jugements " sans réflexion, humanité et conscience.
Jugeant dans un sens ou tout à l’inverse.
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